[Fiche de lecture] L’esclavage raconté à ma fille par Christiane Taubira
Une fiche de lecture d’Ophélie Konsimbo
Titre du livre : l’esclavage raconté à ma fille
Auteure : Christiane Taubira
Informations générales France Éditions Points 21 avril 2016
L’auteur : Taubira est une femme politique
guyanaise. Elle fait ses débuts dans le mouvement indépendantiste
guyanais dans les années 70. Elle est éprise lors de son parcours de
tous ces grands socialistes, de Jean Jaurès à Léon Bloom. Elle obtient
un diplôme de second cycle en sciences économiques puis un second en
agroalimentaire. Elle fut députée de la première circonscription de
Guyane, puis députée européenne et ministre de la justice Garde des
sceaux de la république française. Elle démissionnera de ce dernier
poste suite à la volonté du gouvernement Valls de faire adopter un
projet de loi visant la déchéance de nationalité des français
binationaux impliqués dans des affaires de terrorismes (les personnes
visées étant les fichés S). Taubira est une femme de terrain, fille
d’une aide-soignante et d’un épicier elle sait se salir les mains. Elle
rencontrait les jeunes des quartiers, une fois par semaine afin de
rétablir le dialogue social. Membre et fondatrice de nombreuses
associations comme cari coop, elle oeuvre à ce que son agenda politique
touche le petit peuple et les minorités. Elle ne s’inscrit pas dans une
logique de parti car ses prises de positions sont souvent personnelles.
De nombreuses réformes et lois ayant à jamais transformer le système
politique et juridique en France ont vu le jour sous son impulsion. On
peut donc retenir de Taubira qu’elle est une politicienne,
intellectuelle et praticienne ce qui malheureusement fait défaut de nos
jours.
Parmi les grands marqueurs du passage politique de Christiane
Taubira on peut citer : la loi sur le mariage pour tous et la loi très
connue de 2001 tendant à la reconnaissance de la traite négrière et de
l’esclavage comme crimes contre l’humanité. Dans l’ouvrage l’esclavage
raconté à ma fille, elle décrit les motivations l’ayant animé lors de
son combat, elle nous raconte l’histoire de l’esclavage.
Le genre : Œuvre de sciences politiques
Le cadre : Comme nous l’avons dit tantôt Taubira est une socialiste
d’extrême gauche. Cette oeuvre s’inspire en grande partie de son
expérience personnelle en tant que citoyenne française issue d’un
département d’outre-mer. Elle dévoile dans les moindre détails le passé
esclavagiste
de la France, et de l’Amérique en particulier, et celui de l’Europe en
général. Comme pour guérir cette plaie historique de sa gangrène, elle
l’expose à lumière. Le racisme, pré et post colonial, le climat
d’intolérance et la montée des extrémismes en tout genre servent de
ferment à notre auteur qui fait germer ses oeuvres principalement
destinées à la jeunesse.
Résumé :
Vous êtes-vous déjà demander quels sont
les fondements de l’esclavage ? Ce mot est très connu mais son sens
profond l’est souvent moins. L’esclavage ne naît pas avec la traite
négrière. Il lui est antérieur. Les grecs et les romains pratiquaient
l’esclavage mais sous une autre forme. L’esclavage était tantôt le mode
de paiement d’une dette ou encore le sort réservé aux prisonniers de
guerre. La traite negrière n’a pas inventé l’esclavage, disons qu’elle
l’a ré inventé. La mesquinerie de cette ré invention réside dans le fait
qu’elle utilise la différence comme source d’asservissement. Le péché,
la faute suprême c’est d’être né noir. Rien que cela. La science, la
religion, la sociologie, la philosophie, et bien d’autres ont pavés la
voie de l’exploitation et du massacre des amérindiens et des noirs.
La
malédiction de Cham, la théorie de l’évolution, la bulle pontificale du
pape Nicolas V sont des exemples palpables développés dans ce livre.
Les jalons théoriques de l’esclavage étant posés, les activités
concrètent commencèrent : razzias sur les côtes, parkage dans des cales
de bateaux, ventes aux enchères sur place publique, instrumentalisation
par la religion, inculcation d’un fallacieux complexe d’infériorité,
séparation des familles, lynchages, émasculations, pendaisons,
lacérations, viols et la liste est longue.
Cette période se
caractérise par un total déni d’humanité. Une idéologie qui se sert de
l’être humain comme d’une chose, un moyen de production. Il y’a dans «
l’esclavage raconté à ma fille» l’histoire de la résistance, l’histoire
de Samory Touré, de Aminatou de Zaria . Cet ouvrage traite de la
résilience d’hommes et de femmes s’opposant à l’injustice, c’est
l’histoire des nègres marrons, du Gospel, l’histoire des passeuses, des
empoisonneuses. Elle nous parle de la mère Solitude, d’Harriet Tubman,
de Toussaint Louverture, de Nat Turner de Louis Delgrès et de tous ces
personnages ayant luttés corps et âmes pour la liberté des esclaves.
Pour finir cet ouvrage est aussi celui de l’abolition.
C’est
l’histoire des tentatives d’abolition ratées ; mais aussi de 1’abolition
effective menées entre autre par de la société des amis des noirs et
les Quakers. Cet ouvrage traite aussi de l’apartheid comme conséquence
de la ségrégation raciale.
Citations :
« La France, qui fut
esclavagiste avant d’être abolitionniste, patrie des droits de l’homme
ternie par les ombres et les « misères des Lumières ».
Thèmes principalement abordés et appréciation personnelle :
L’intitulé de l’ouvrage est un style bien connu en littérature
populaire. Raconter une histoire à quelqu’un de sa famille, c’est
prendre le temps de la détailler, de l’expliquer en des termes
compréhensibles, c’est une explication chaleureuse, sur un ton de
bienfaisance. Ce style est souvent utilisé pour expliquer des thèmes
d’une relative complexité à un jeune public. Dans le même genre, on peut
citer les ouvrages : le capitalisme raconté à ma petite fille de Jean
Zigler, ou encore lettre à ma fille de Maya Angelou.
Ce que
j’apprécie dans ce livre c’est le fait qu’il traite l’esclavage et de la
traite négrière sous toutes ces coutures. Le processus avant le début
de l’esclavage, celui pendant l’esclavage mais aussi les systèmes
racistes, les systèmes post coloniaux et l’esclavage moderne y sont
abordés.
J’apprécie aussi les images de Taubira, sa façon de conter
l’histoire telle une griotte de l’empire Wassoulou, elle écrit la gloire
des grands empires d’Afrique, la richesse de ces communautés.
A travers ses mots, on capte l’incompréhension de personnes capturées par des africains eux mêmes.
On ressent les coeurs qui se soulèvent dans les cales de l’ Amistad, on
perçoit le désespoir de ces femmes qui fracassaient leurs enfants
contre les parois des navires avant de se jeter à la mer pour ne pas
subir l’esclavage. On se surprend à imaginer l’odeur de la chaire brûlée
dans le Sud des États-Unis , on s’émeut de ce père tabasser à sang
devant son fils. On entend les cris de ces infortunés qui sont nos
ancêtres, traités comme du bétail humain au pire et comme des meubles
que l’on peut déplacer au mieux. Ils hurlent vers un Dieu qui semble
sourd durant 4 siècles.
Bien évidemment cet ouvrage ne se veut pas
revanchard loin de là. Il veut que nous nous souvenions. Nous avons tous
un devoir de mémoire pour que plus jamais cela ne se produise.
L’abolition n’est effective que depuis 170 ans. A l’échelle de
l’histoire c’était hier. Pour paraphraser De Beauvoir : n’oubliez jamais
qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que
les droits soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis.
Vous devrez rester vigilants votre vie durant.
Autres œuvres de la même auteure.
- L’esclavage raconté à ma fille : éditions points 2016
- Codes noirs de l’esclavage aux abolitions : éditions Dalloz 2006
- Mes météores : éditions j’ai lu 2014
- Paroles de liberté : éditions flammarion 2014
- Murmures à la jeunesse : éditions pluriel 2017
- Nous habitons la terre : éditions Philippe Rey 2017
- Baroque Sarabande : éditions Philippe Rey 2018