[Édito-Mars: La Famille] par Hugue Flavien Naré
En Mars, nous laissons la place à Hugue Flavien Naré, pour qu’il nous parle de la famille.
La famille explicitée par un Sociologue « en devenir »
Que Radio Miirya, propose un numéro spécial sur différentes thématiques
liées à la famille, ne peut que me réjouir en tant que Sociologue en
devenir. Cette thématique revêt tant de questions, générales ou
spécifiques à l’angle d’étude, qui trouveront réponse en ce mois je
l’espère.
Alors, je me propose de relater ici succinctement et
subjectivement mon appréhension de ce concept. Aussi, dans cette ébauche
j’essaierais dans la mesure du possible de vous « socialiser » tout en
espérant être le plus explicatif possible sur cette notion tant
ambivalente que complexe. Comment aborder ce concept d’une manière
sociologique tout en me faisant comprendre par des non-initiés de cette
discipline vu la pluralité et la diversité d’auditeurs de ce média en
ligne du pays des hommes intègres. Quelle partie de ce concept doit être
explicitée dans cet article ? A quel moment la famille est-elle
identifiée ?
Tant de questions me taraudent l’esprit. En effet, la
famille peut paraître comme étant un sujet d’étude scientifique. Mais
les sociologues se doivent de comprendre dans sa globalité un monde
social au sein duquel la structure familiale occupe une place
prépondérante. Ainsi, j’utiliserais mes infimes connaissances en
Sociologie pour nous (vous et moi) aider à saisir les tenants et les
aboutissants de la conception familiale.
Mais avant tout,
j’aborderais cette thématique conceptuelle en donnant quelques
définitions sociologiques qui me permettront d’avoir un « angle
d’attaque ». En effet, comme le stipule l’un des écrits saints de la
Sociologie : « il faut que le savant prenne résolument son parti de ne
pas se laisser intimider par les résultats auxquels aboutissent ses
recherches » (cf Les Règles de la Méthode Scientifique). De ce fait,
pour une certaine cohérence je me dois de définir ce concept de famille
pour que vous ne soyez pas surpris de ma conclusion.
Je vous avais
promis des définitions. La définition peut se faire sous deux couverts
que je veux que vous gardez en mémoire: holiste et individualiste.
D’un point de vue holiste (ayant comme figure de proue DURKHEIM), il y’a
une explication des différents faits de la société en primant la
communauté sur l’individu. En somme la société est régie par des règles
des normes contraignantes que l’individu subit, d’où la primauté de la
société sur ce dernier. Pour les individualistes dont WEBER est l’un des
défenseurs c’est une conception inverse car l’individu prime sur la
société. Tout fait social doit s’expliquer en ayant pour base l’individu
car il est libre de ses choix et de ses actes. Une autre conception
essaie de concilier ces deux approches sociologiques (je laisserais aux
lecteurs le soin de s’informer sur ce sujet). Place à cette brève revue
sur la famille.
Tout d’abord, je m’inscris dans cette définition
générale de ÉTIENNE et de ses collaborateurs pour qui : « La famille est
une institution présente dans toutes les sociétés humaines. Mais les
formes qu’elle revêt, les fonctions qu’elle remplit et les
significations dont elle est porteuse, sont extrêmement variables dans
le temps et, pour une même époque, d’une société à l’autre. La famille
est donc un phénomène essentiellement culturel ». Ainsi, vous comprenez
l’ambivalence utilisée au début, ce concept à plusieurs valeurs et
caractéristiques. La famille est entre autre une construction sociale,
ce qui sous entends qu’elle est relative selon les communautés. La
manière d’appréhender la famille chez les Moosé n’est pas forcément la
même chez les Yorubas. Tout part de ce qu’on met à l’intérieur du mot.
Un clin d’œil pour dire qu’il y a également une différence entre ménage
et famille.
Fonction socialisatrice de la famille
La famille
est une unité sociale vouée à assurer, dans la plupart des sociétés, la
socialisation primaire des individus. « (…) C’est dans la famille, dès
la prime enfance, que se transmettent des valeurs et des normes, des
compétences linguistiques et cognitives, des attitudes et des techniques
du corps, un ensemble de dispositions qui vont caractériser les
individus tout au long de leur vie. En ce sens, la famille est toujours
au cœur du processus de reproduction sociale » (cf. Sociologie de A à
Z). Bref tout ce qu’une société peut mettre dans ce concept est le fruit
d’une construction sociale qui est appelée « socialisation », plus
simplement dit « éducation », représentant « les processus par lesquels
les individus s’approprient les normes, valeurs et rôles qui régissent
le fonctionnement de la vie en société » (Cf. Dictionnaire de
sociologie). Ce qui favorise l’adaptation de l’individu et un maintien
de la cohésion sociale. Cette procédure de socialisation est primaire et
secondaire.
D’une part, la socialisation primaire intervient
pendant l’enfance de l’individu. Dans ce cas, la famille joue un rôle
important car étant la principale instance d’apprentissage et son action
est primordiale pour la formation de la personnalité de l’individu. En
addition de l’instance familiale s’ajoute entre-autre l’école, les amis
et les médias qui forgent l’individu. C’est aussi dans la famille que
les normes et les valeurs de la communauté sont assimilées. D’aucuns
dont BOUDON et BOURRICAUD affirme que cela n’est pas une universalité,
avec des données qui infirment que « le couple parental n’exerce pas
vis-à-vis de leurs enfants en bas âge, aucune des responsabilités de
l’élevage et du dressage ». Ils s’appuient sur une société, celle des
Nayar où la femme jouit d’une grande autonomie. Mais notons que « la
“libération” des femmes contribue aussi à affaiblir l’aspect
hiérarchique de l’organisation familiale […] Faut-il, comme le croient
certains féministes, [un clin d’œil à certains et certaines qui
appréhendent différemment le 08 Mars], faire l’hypothèse que les femmes
finiront par être remplacées dans ce rôle [matrimonial] par les hommes
». Ceux-ci font cas de cet aspect de peur d’une généralisation de la
composition d’une famille et de son existence. Ne dit-on pas que la
règle est confirmée quand il y a exception. Le mérite de la non
généralisation est un point que j’admets pour ces éminents chercheurs
épousant l’individualisme méthodologique car étant un principe en
Sociologie.
D’autre part, suivra la socialisation secondaire,
intervenant à la fin de l’enfance, où l’individu grâce à ses
connaissances passées arrivent à s’intégrer dans les groupes d’intérêt
en mon sens (association, parti politique, syndicat…). En outre,
notons que la socialisation ne s’estompe pas elle est continue. Raison
pour laquelle je m’hasarderais à dire que nous ne finirons pas
d’apprendre du moins jusqu’à notre mort.
Famille, typologie et contextualisation
« Nous aurions donc pris pour point de départ et pour thème la famille
telle qu’elle se présente aujourd’hui dans les grandes sociétés
européennes. Nous en aurions fait la description et l’anatomie ; nous en
aurions dissociés les éléments et voici quels eussent été en gros les
résultats de cette analyse » : « Les formes familiales les plus diverses
existent, ont existé ou pourraient exister ». Tout simplement pour dire
qu’il n’y a rien de naturel. Une famille est constituée comme
précédemment dit selon une construction sociale. En effet, nous pouvons
par exemple identifier la famille conjugale qui est fondée sur le
mariage. Certaines familles constituent un ensemble composé de plusieurs
familles (père, mère et enfants). De surcroît, dans nos sociétés ce
dernier type de famille est le plus fréquemment observé et constaté car
issu de nos normes et valeurs sociales. Pour emprunter les mots de
l’illustre KI-ZERBO, il y’a des valeurs et normes endogènes à nos
civilisations. Parmi tous les types familiaux, le notre est celui qui
nous intéresse par-dessus tout autre et qu’il importe surtout de
connaître et de comprendre. J’épouse à ce propos cette rubrique de Radio
Miirya intitulée : « Cultivons notre jardin ».
Ce type de famille
présent sous nos cieux, sous nos yeux et au sein duquel nous vivons est
aujourd’hui la famille contemporaine.
DURKHEIM dans les années
1888, affirmait que « la famille moderne contient en elle, comme en
raccourci, tout le développement historique de la famille » (cf.
Introduction à sociologie de la famille). D’un point de vu analytique,
toute famille contemporaine représente la quintessence et l’essence de
la famille d’avant, même s’il n’y a pas eu d’interaction directe.
On
peut faire de la famille contemporaine une singularité historique, «
une invention de la modernité, radicalement différente de toutes les
formes familiales qui ont pu précédemment exister; ou, au contraire, n’y
voir que le retour du même, quitte à escamoter les significations
nouvelles que peuvent revêtir des structures apparemment identiques »
(ETIENNE et al).
Alors d’où vient cette nucléarisation de la famille constatée un peu partout ?
Pour préciser, « quand les sociologues parlent de la famille nucléaire,
ils se réfèrent [le plus souvent] à une situation […]. Ils pensent
bien au couple parental et à ses enfants, mais ils se placent dans le
contexte des sociétés industrielles où la famille étendue a éclaté e un
nombre plus ou moins élevé de foyers autonomes » (cf. Dictionnaire
critique de la sociologie). Il est vrai que notre société Burkinabè ne
peut s’arroger cette place de société industrielle mais le choc culturel
que nous avons subi rend notre société hybride et cette nucléarisation
de la famille est présente dans nos capitales (économique et politique).
Cette relation entre modernité et nucléarisation des familles reste
cependant douteuse car les pays asiatiques ont su garder leurs liens
traditionnels et familles élargies. Mais je ne tomberai pas dans ce
raccourci socio-anthropologique et historique qui affirme que c’est le
nombre qui a permis le développement des “dragons”. De peur de trop
m’étendre et au risque de vous embrouiller je m’arrêterais là car le
concept de famille tout comme celui de Sociologie est transversal. La
famille comme tout autre fait social doit être appréhendé dans sa
totalité.
Malgré le fait que cette thématique conceptuelle tangue
de tout bord, cela n’occulte pas qu’elle reste et restera cette
instance de socialisation, de recours selon les problèmes sociaux.
Ainsi, ne dit-on pas que « le linge sale se lave en famille » ? Cette
structure sociale informelle comme formelle s’invente de « nouvelles
régulations et remet du goût, […] l’écume du changement est donc loin
d’ébranler l’édifice.» (cf. FERRÉOL Gilles). D’où l’aspect complexe de
la famille.
En conclusion à cette ébauche je donnerais
l’appréciation du fondateur de la sociologie qui se voyait plus comme un
philosophe. Pour lui, la famille est le reflet de notre génération et
le modèle de celle à venir. En effet, il écrit ceci : « Il faut
concevoir la famille comme l’élément immédiat de la société, ou, ce qui
est équivalent, comme l’association la moins étendue et la plus
répandue. Car la décomposition de l’humanité en individus proprement
dits ne constitue qu’une analyse anarchique, autant irrationnelle
qu’immorale, qui tend à dissoudre l’existence sociale au lieu de
l’expliquer. […] Pour trouver des familles sans société, il faut
descendre parmi les animaux [l’Homme n’en étant pas car doué de raison] :
mais alors, la famille cesse d’être permanente, et ne subsiste
réellement que pendant l’éducation des petits » (cf. Système de
politique positive, t. II)
NB : Ce qui a été explicité ci-haut n’est
qu’un condensé, une brève lecture sur le sujet qui n’englobe pas toutes
les informations sur la famille. Cet écrit est une présentation
théorique, pour la suite, restez connectés à Radio Miirya.
Hugue Flavien NARÉ